L'addition, s'il vous plaît !

J’ai pris le café avec un ami de longue date ce matin; il se reconnaîtra, il est l’un de mes fidèles lecteurs !

Nous parlions de nos amis communs, et d’autres aussi. Bien installés dans notre cinquantaine, nous avons un peu de recul sur le déroulé de nos vies. Ce qui m’a frappé dans les histoires que nous avons évoquées, c’est comment des trajectoires proches au début ont pu à ce point diverger. Avec la particularité d’avoir assisté au film de ces vies, connu et souvent vécu les épisodes clefs du changement des uns et des autres, et aussi des non-changements.

Nous vivons tous notre lot d’épreuves; en bon accompagnant gestaltiste, je me reconnais dans l’existentialisme: je suis donc responsable des épreuves qui m’arrivent; pour partie, certes, mais je suis par ailleurs encore plus responsable de ce que j’en fais ! Et si ma réponse à ces épreuves est de ne rien changer ou de ne pas affronter, je vais renforcer le problème. Ainsi, telle une personne timide qui n’arrive pas à répondre aux personnes qui lui parlent dans la rue et qui déciderait de ne plus sortir. Je serai alors d’autant moins capable d’affronter la situation qui me dérange.

L’école de Palo Alto a brillamment réfléchi au problème dans les années 1950, avec son fameux “plus çà change, plus c’est la même chose” , qui décrit les situations (très fréquentes) où toutes les tentatives de solution ne font que renforcer le problème ! En termes plus familiers nous appelons ça des cercles vicieux, qui aboutissent à des situations “inextricables”, et pour cause !

En Gestalt, ce phénomène est identifié avec le terme un peu barbare de “gestalt inachevée” pour décrire nos scénarios répétitifs.

Nous sortons de nos épreuves avec une réponse qui va renforcer (a notre insu) le problème, celui-ci resurgira à la première occasion; et sur une longue durée notre vie deviendra de plus en plus marquée par ces répétitions, plus rigide et plus douloureuse.

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“Plus ça change, plus c’est la même chose”

Ecole de Palo Alto


A force de réagir face au problème par une absence de réponse, ou par des réponses inadaptées, celui-ci reviendra régulièrement au gré des aléas de la vie; et produira un impact négatif croissant, une vie moins épanouie, quand ce n’est pas pire !

Pour prendre un exemple, étudions une situation que la plupart d’entre nous ont observée, et certains vécue. Celle d’un salarié qui est dans une organisation depuis un certain temps et pour qui ça ne se passe pas bien. La raison peut être liée à une mésentente avec son environnement proche, mais aussi lorsque l’organisation va mal. Dans ce cas, beaucoup choisissent de “s’accrocher à leur CDI”, d’attendre d’être licenciés pour toucher leurs indemnités, et ce quelque soit le prix humain à payer.
Et si la situation dure longtemps, le choix de s’accrocher se justifie d’autant plus que “je n’ai pas serré les dents jusque là pour lâcher maintenant”; avec les conséquences que l’on peut imaginer sur leur bien-être…
A ce stade, certains ont “la chance” de voir leur organisation de décider à les licencier, d’autres non; et ce qui est intéressant c’est que quelques années après ceux qui ont été licenciés et qui ont du ou su se remettre en question ont rebondi et que les autres restent encalminés dans leur souffrance.

Ainsi l’absence de réponse à une situation problématique devient le problème lui-même ! Et faut-il laisser le soin à notre environnement de décider pour nous, comme dans le cas cité plus haut ?
Bien évidemment, non, non et non ! Il s’agit de devenir acteurs de notre propre vie, débrancher le pilote automatique et prendre la barre de notre barque !!

Mais pour cela il faut avoir la lucidité de voir que les situations problématiques se poursuivent ou se répètent et l’humilité de reconnaître que l’on ne détient pas les clefs du changement tout seul !
La famille, les amis, les compagnons de route peuvent être d’une grande aide; mais attention, leurs conseils partent de leur expérience et de qui ils sont et s’adressent souvent à eux-mêmes !
Les guides spirituels, lorsqu’ils sont vraiment bienveillants sont précieux; il ne connaissent en revanche que rarement le monde du travail.

Restent les coachs professionnels, vous ne serez pas surpris que je prêche pour ma paroisse, et les psychothérapeutes dont c’est le métier d’aider leurs clients à sortir des situations répétitives qui les rendent malheureux.

A chacun ses choix, mais l’addition est plus salée pour ceux qui restent sur des voies sans issues que pour les autres qui ont le courage de se remettre en question et d’accepter une aide extérieure.

Ainsi l’absence de réponse à une situation problématique devient le problème lui-même