Compétition en vase clos, quels enseignements ?

Je vais participer pour la 3ème année consécutive à la Middle Sea Race, sur le Ker40 Chenapan4, voilier de course de 12 mètres.

 
Cette course offshore sans escale va nous emmener de Malte autour de la Sicile via Stomboli, Pantelleria et Lampedusa et retour Malte. 
Durée prévue cette année entre 4 et 5 jours, pour ce qui est la plus belle course de méditerranée, la plus dure aussi avec souvent du vent fort fin octobre et de la mer, aussi... 😏
 
Dire que c'est un grand plaisir pour moi de me préparer à faire cette course est un faible mot ! 😋
 
Au-delà de l'aspect sportif, ce sera aussi l'occasion pour le coach, entre les quarts de veille, d'observer un microcosme de 9 personnes dans cet environnement réduit et spartiate qu'est un voilier de course, dans des conditions mouvementées et parfois chaotiques!
 
D'éprouver dans ces conditions différentes possibilités de coopération entre Propriétaire, Skipper, Navigateur, Responsable Sécutité, Responsable avitaillement, Barreurs et Régleurs 
 
De surveiller les possibilités de démotivation ou de conflit qui montent, ce qui arrive régulièrement dans un vase clos aussi secoué, et de trouver les interventions adéquates 
D'être sensible à ce qui se dit mais beaucoup aux gestes, aux aux attitudes; et aussi à mon ressenti, à mes émotions 
Puis faire mouvement à partir de là, sans me poser la question du pourquoi. 
Interroger tranquillement de manière ouverte (j'ai l'impression qu'il y a un truc qui te chagrine...), déplier bout après bout les réponses..., échanger sur la demande qui pourrait être adaptée pour corriger le tir, observer toujours ce qui se passe pour moi à l'extérieur et dans mes tripes (peur, colère, tristesse, joie...) et voir ce qui se passe maintenant et ce que je veux faire à partir de là... 
  
Je vous en dirai plus long à notre retour la semaine prochaine 🤤

La suite…

Après un très beau résultat, 3ème après 4 journées de mer derrière 2 bateaux qui ne jouent pas dans la même cour que nous… et devant tous les autres 😊

Je tire de cette expérience exceptionnelle deux sujets qui m’ont interpellé

D’abord, avec cette remarque de @maxime paul, régatier olympique et fidèle de notre projet : « un bon équipage de course, c’est comme un orchestre, une longue pratique ensemble c’est essentiel ».
Derrière cette forme d’évidence, j’ai observé beaucoup d’organisations qui sous-estiment cette notion, surtout les grandes. La norme ISO réduit la personne à une fonction et des process, elle devient interchangeable. La fréquence des mutations et des réorganisations ne permet pas ce « vivre ensemble » indispensable à la formation d’une équipe de haut niveau.
Sur ce thème, j’ai souvent été étonné par la performance de certaines structures familiales dans lesquelles le tout représente tellement plus que la somme des parties ; la connaissance intime des autres et la durée sont un facteur-clé de leurs performances hors du commun.
Une équipe championne met du temps à se construire ; comme en course au large, mettons-là à l’abri des changements de caps trop fréquents et des changements d’équipiers à court terme !

Nous avons aussi vécu une expérience tout-à-fait imprévue ; lors du déjeuner de retour avec les seniors du bord j’ai posé la question : « comment faire aller le bateau encore plus vite ? »
La suite… presque 5 heures d’échanges à la fois denses et détendus, au cours desquels le sujet principal a peut-être été abordé une trentaine de minutes !!


C’est à cette occasion que ma pratique de la Gestalt s’est avérée précieuse. Comment ?

En laissant émerger ce qui venait à l’occasion de la question sur la vitesse du bateau: rien de directement lié… le rangement, la vie à bord en course, la nourriture, soit des sujets portant plus sur « vivre ensemble » que de performance intrinsèque (voiles, barre, manœuvres…) !
Sans essayer de comprendre le rapport avec la question posée, mais en me concentrant sur ce qui se passait et mes sensations ici et maintenant ; en l’occurrence de l’implication, du sérieux, de la coopération ; en m’impliquant pour la fluidité et l’harmonie de l’échange, laisser advenir ce qui vient sans chercher à revenir dans une ligne directrice alors réductrice et qui tronquerait le débat, déplier les apports de chacun « concrètement ton analyse, ta proposition, ta demande c’est quoi ? » « Tu peux nous donner des détails ? » « Quel est le rapport pour toi avec la vitesse du bateau ? », « quelle différence avec ce que Pierre, Paul (ou Max) a dit tout-à-l’heure ? »

Le résultat fut au-delà de nos attentes. Les leviers d’amélioration de la vitesse se sont comme imposés d’eux-mêmes au cours la réunion. Mais aussi toutes les autres améliorations à réaliser pendant la pause hivernale sont venues se placer harmonieusement les unes par rapport aux autres, méthodologie de la mise en œuvre par l’équipe compris !!

Démarré à l’heure du déjeuner, notre réunion m’a laissé vidé, mais heureux et accompli ; il était l’heure de l’apéro pour les marins !