Réalité et Subjectivité
“Si vous n’avez pas d’éléments tangibles, il y a toujours une part de vous-même qui s’autorise à nier la réalité, a témoigné dans la presse un membre de la famille d'une victime des attentats du 11 septembre qui n'a toujours pas été formellement identifiée.”
Cette phase issue d’une interview récente publiée dans Le Monde m’a interpellé: elle décrit un mécanisme tapi au plus profond de nous même qui nous empêche (ou nous évite) d’ouvrir les yeux. Et dans le cas présent, 17 années après le drame et sans nouvelles du proche, une attitude pragmatique, “logique”, serait de considérer qu’il ou elle est décédé, de tourner la page et de passer à la suite.
Si dans un cas comme celui-ci un témoin continue à pouvoir nier une réalité aussi flagrante, alors on imagine à quel point il est possible de le faire dans une situation moins évidente comme une trahison, un échec, etc… que nous nions, en toute “bonne foi” pour nous, et en toute “mauvaise foi” pour les autres!!
Et on imagine aussi du coup à quel point cette posture est fréquente, et handicapante, pour chacun de nous!
“il y a toujours une part de nous mêmes qui s’autorise à nier la réalité”
Alors comment essayer de moins nier la réalité et progresser, pour notre plus grand bien? Je partirai de deux livres qui m’ont marqué sur le sujet:
Le premier est le bien nommé “ La réalité de la réalité ” de Paul Watzlawick.
Il décrit d’une part une réalité dite de premier ordre, physique, mesurable et donc objective; et d’autre part une réalité dite de deuxième ordre, basée sur la signification que nous donnons à ce que nous percevons, réalité cette fois subjective.
La difficulté survient lorsque nous confondons les deux et prenons notamment pour une vérité objective ce qui n’est que la signification purement subjective que nous donnons à une observation.
Ainsi, lorsque l’un de mes clients me décrit une situation difficile pour lui avec une vision qu’il prétend objective, j’ai coutume de lui dire: “plutôt que de prétendre à l’objectivité, revendiquez votre subjectivité!”.
A partir de là il pourra admettre que si sa vision lui appartient d’autres peuvent avoir une vision très différente de cette situation; et envisager des solutions qui ne lui étaient pas accessibles tant qu’il était le seul à détenir la supposée vérité!
Le deuxième livre est “ Comment être un névrosé heureux? ” de John Cleese et Robin Skynner, dont la lecture m’a passionné il y a quelques années; il est vif, souvent humoristique et rempli d’idées percutantes; par exemple lorsque les auteurs s’intéressent à ce qui fonctionne dans les familles saines, au lieu de s’intéresser à ce qui ne fonctionne pas chez les autres; regarder ce qui réussit est est riche d’enseignements, y compris dans le management où l’on retrouve de belles analogies avec les fonctionnements familiaux!
Autre exemple qui nous ramène au premier livre que j’ai cité, les auteurs définissent notre niveau de santé mentale par notre aptitude à faire la part entre les réalités de premier et de second ordre, ce qu’ils appellent “être dans la réalité”; et plus on est dans la réalité, meilleur est notre niveau de santé mentale.
Je m’appuie souvent sur ces principes dans le travail de coaching professionnel avec mes clients: je les entraîne alors à extraire des situations les réalités de premier ordre pour mieux pouvoir les affronter. Par exemple le volume de contrats signés, les augmentations de salaires, les marges dégagées, etc. Puis nous regardons ce qui a trait aux réalités de deuxième ordre, comme les situations de management des collaborateurs, les relations avec les supérieurs hiérarchiques, les clients, les partenaires, etc. et nous les traitons de manière bien différenciée des précédentes en prenant en compte toute leur subjectivité.
Cette question de subjectivité se retrouve bien dans la pratique de la Gestalt, et je vous invite à visiter la page que j’y ai consacré dans ce site